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Lire, écrire et raconter des histoires… Anne-Laure Le Golvan Emmanuelle Manceau Hélène Manscour

17 avril 2015

05.Disciplines

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Lire, écrire et raconter des histoires…

 

Anne-Laure Le Golvan Emmanuelle Manceau Hélène Manscour

Sommaire

 

1.     Introduction : 3

2.     L’acquisition du récit 4

a.     La genèse du récit 4

b.     La production et la compréhension des récits  8

3.     La place du récit dans le développement cognitif de l’enfant 15

a.     Le développement du lexique, et des connaissances  15

b.     Le rationnel et l’imaginaire dans la construction de la personnalité de l’enfant. 17

c.     Le langage et le récit permettent à l’enfant de se définir une identité dans la société et de faire face à la réalité  27

4.     Les contes, un bien ou un mal ?  29

5.     Conclusion : 32

6.     Bibliographie  34

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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7 Réponses à “Lire, écrire et raconter des histoires… Anne-Laure Le Golvan Emmanuelle Manceau Hélène Manscour”

  1. Artisan de l'ombre Dit :

    1. Introduction :

    De nos jours, alors que les enfants sont submergés par toutes sortes de technologies telles que la télévision, les jeux vidéo, on a tendance à oublier que les histoires ont leur importance dans leur développement. On remarque que si l’on met un « enfant moderne » face à un livre quelconque de conte de fées ou de n’importe quel autre genre de littérature enfantine, la plupart du temps il préfère regarder son émission préférée ou jouer à son dernier jeu vidéo. Pourtant, il ne faut pas mettre de côté la littérature sous le seul prétexte qu’il s’ennuie à l’avance d’avoir à réfléchir, à imaginer, alors qu’il lui suffirait d’allumer son poste de télévision pour voir directement à quoi ressemble Cendrillon ou l’ogre du petit Poucet ou bien la sorcière d’Hansel et Gretel.
    Cependant, il faut s’avouer que dès son plus jeune âge, bien avant que l’intérêt pour l’audiovisuel ne vienne, l’enfant adore écouter des histoires et il en réclame aussi bien dans le cadre de sa famille que dans le cadre scolaire. Dès que l’enfant commence à parler, il se représente le monde en histoires. Selon Margaret Meek, citée dans Laissez-les lire, les enfants, bien avant d’aller à l’école, entrent en possession de données ethnographiques, prennent conscience des registres linguistiques, des mythologies et du pouvoir de la connaissance dans le contexte culturel de leur famille et de leurs pairs. A travers les histoires, ils apprennent ce qui compte sur le plan du bon sens courant et des systèmes de valeurs.
    Nous nous attacherons ici à montrer en quoi les contes et histoires, les récits en général sont essentiels dans la vie d’un enfant, quant à ce qu’ils apportent et ce à quoi ils l’amènent dans son épanouissement personnel, que ce soit au niveau scolaire ou bien au niveau de sa vie dans le cadre familial.
    Nous verrons tout d’abord l’évolution de l’enfant dans l’acquisition du récit, dès l’instant où il entre en contact avec sa langue maternelle, jusqu’à ce qu’il ait assimilé les bases de la construction du récit.
    Nous aborderons ensuite la place des histoires dans le développement cognitif de l’enfant, que ce soit lui qui la raconte, à l’oral ou par écrit, ou que ce soit l’enseignant, un parent… Nous développerons plus particulièrement le cas du conte qui est l’une des formes de récit les plus étudiées en psychologie.
    Enfin, nous évoquerons quelques uns des arguments énoncés à l’encontre des contes et autres histoires merveilleuses, quant à leur place dans l’éducation des enfants. Les contes n’ont-ils qu’un impact positif sur le développement de l’enfant ?

    Le récit, relation écrite ou orale de faits imaginaires ou réels, est présent dans toutes les cultures et semblerait être intuitivement bien défini et bien délimité dans l’esprit de tous. Ce qui paraissait simple dans un cadre habituel, pourrait tromper dans un cadre d’analyse. Il est donc important avant toute chose de bien définir la dimension dans laquelle cette étude se déroulera. Tout d’abord, on peut comparer le récit à d’autres formes de discours, et enfin en regardant la structure interne qui permet de le différencier des autres types de discours. Dans un premier temps, nous avons essentiellement travaillé sur la structure des récits.

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    • Artisan de l'ombre Dit :

      2. L’acquisition du récit

      a. La genèse du récit

      Dans cette première partie, nous verrons comment naît le récit chez l’enfant et son évolution au cours du temps, les efforts de structuration, mais aussi les obstacles qu’il peut rencontrer.

      Selon Michel Fayol, dans Le récit et sa construction, l’acquisition du récit est très mal connue chez les très jeunes enfants jusqu’à six ans. A l’heure actuelle ce concept est basé sur des hypothèses. En effet, les enfants sont capables, dès leur plus jeune âge de rapporter des faits sans pour autant construire un récit organisé.

      Lorsque l’on raconte une histoire à un enfant, il paraît attentif et passionné. Mais est-ce qu’il comprend l’ensemble du texte ou bien seulement quelques passages qu’il met en relation par la suite ? Pour Janine Beaudichon, dans Communication sociale chez l’enfant, plus le contenu du texte est long et complexe, plus l’enfant oublie une partie importante du contenu initial. Il sélectionne les informations. Si on ne lui pose pas de questions sur le texte, il ne peut pas restituer toute l’information, même les éléments clés. L’enfant ne retient d’un conte, d’une histoire, d’une situation vécue que ce qui l’intéresse et lui est utile.

      Miaralet, Malandain et Jacob, cités dans Le récit et sa construction, ont remarqué que l’enfant jusqu’à sept ans ne retient que des détails frappant d’une histoire. Il ne s’intéresse réellement à des éléments non essentiels du texte que vers neuf dix ans, mais il ne maîtrise pas le matériel implicite, le non dit. Ses capacités de mémorisation n’atteignent celles d’un adulte que vers l’âge de douze ans.
      Cela semble être dû au fait que pour comprendre et mémoriser des informations, il faut s’en faire une représentation mentale. C’est-à-dire que l’enfant doit analyser ce qu’il a entendu ou lu, mot par mot, établir les interactions qui existent entre eux, afin de comprendre ce qu’il vient d’entendre. Il faut ensuite qu’il crée une représentation symbolique de l’action pour pouvoir relier les différents éléments du récit.
      Ainsi les textes, racontant la même histoire mais qui utilisent des degrés de complexité différents, ne seront pas intégrés de la même manière. En effet, la difficulté lexicale peut être un facteur d’incompréhension. L’enfant a besoin d’un minimum de connaissances en vocabulaire pour comprendre et établir des liens entre les différents évènements. Ainsi le milieu, l’environnement de l’enfant peuvent conditionner ses capacités à produire des récits et à assimiler les histoires.
      Freebody et Anderson, cités dans Le récit et sa construction, ont montré que la familiarité de l’individu avec le thème abordé l’aide à mieux l’appréhender. Ainsi, si les enfants ont été confrontés à une situation proche de celle décrite ou qu’ils ont ressenti les mêmes émotions, ils sont plus attentifs et compréhensifs à l’histoire. C’est en cela que le milieu a un impact : le milieu dans lequel ils vivent les pousse à faire face à des évènements qu’ils ne rencontrent pas dans un autre environnement.

      Selon Michel Fayol, cependant les obstacles dus à la langue et à la familiarité du thème ne sont pas les seuls freins à la compréhension de l’histoire. Il faut aussi que l’enfant soit apte à voir les différents liens propres à l’histoire qui ne sont pas exposé explicitement. En effet, il faut, pour arriver à intégrer les différents évènements et donner au texte son unité, avoir au préalable présupposé et deviné les différents évènements entre eux afin de voir les liens de cause à effet. Le problème est que cette aptitude à établir spontanément des liens entre les différents évènements ne se développe pas chez les enfants avant l’âge de neuf dix ans, même s’ils sont tout à fait capables de décrire ses liens si on les leur demande.
      Certaines études de Case, Kurland et Goldberg ont montré que l’âge du sujet pouvait avoir un impact sur les capacités à traiter les informations. En effet, la capacité de mémoire de travail évoluerait avec l’âge. C’est-à-dire qu’en grandissant, l’enfant serait plus apte à effectuer diverses opérations en même temps, et il se servirait de ce qu’il a déjà intégré, ce qui simplifierait les processus. En effet, il utilise les schémas de construction des histoires, « scripts », pour appréhender et prédire les différentes actions ; les liens entre les différents évènements se font donc spontanément.

      Selon Repina, cité dans Imaginaire et pédagogie, l’enfant serait capable de suivre une histoire à la condition que celle-ci soit présentée avec des images, « en l’absence desquelles il ne peut imaginer les événements décrits ». Vers trois-quatre ans, il parviendrait à « raconter » des dessins mais sans aller au-delà d’une simple description, il faudrait attendre six sept ans pour qu’il y ajoute des éléments non présents, comme des relations causales, débuts et fins.
      De même, dans une autre expérience menée avec Krefft, Jean Piaget montrait que les enfants étaient incapables de classer chronologiquement des images. Ainsi les premières ébauches de textes s’approchant le plus du récit d’un adulte n’apparaîtraient que vers l’âge de sept huit ans. Le récit de l’enfant se composerait de plusieurs idées mêlées entre elles, il n’y aurait pas de liens chronologiques entre les faits, car l’enfant se laisse porter par le flot de ses pensées et ne réfléchit pas à l’organisation et la structure de son récit. Selon Jean Piaget, lorsque l’on montre à des enfants de quatre à douze ans deux images illustrant le début et la fin d’une histoire, la compréhension du passage de l’une à l’autre ne s’effectuerait pas avant sept huit ans.

      Dans une de ses études, Jean Piaget a observé chez les jeunes enfants une tendance à déformer les faits et à omettre les liens existants entre les différents évènements d’une histoire, car ceux-ci n’avaient aucun rapport avec leur propre enfance.
      Pour Sabeau-Jouannet, cité dans Imaginaire et pédagogie, au début de l’acquisition de la conduite du récit, les dires des enfants sont trop imprégnés de la situation présente pour permettre une analyse en dehors du contexte. Les jeunes enfants ont du mal à se situer au niveau temporel, leur réalité se réduit à l’instant présent et à des faits récents ou marquants: par exemple un voyage, dont ils se souviennent sans pour autant parvenir à le situer chronologiquement. L’auditeur ne peut pas reconstituer les faits relatés à partir des liens temporels et spatiaux établis par l’enfant et présentés dans son discours.

      Lors d’une étude, Applebee, cité dans Le récit et sa construction, a montré une évolution dans la production des récits. En fonction de deux concepts majeurs : la décentration décrite par Piaget, et la décontextualisation décrite par Bruner.
      La décentration correspond à l’adoption d’un point de vue autre que le sien. C’est une aptitude que ne possèdent pas les enfants. Ils ont tendance à tout voir de leur propre point de vue et ont des difficultés à s’imaginer que quelqu’un en ait un autre que le leur.
      La décontextualisation se définit comme l’aptitude à pouvoir voir au-delà de la situation présente, c’est dire la capacité à se projeter dans le passé ou dans le futur pour exprimer les faits.

      Avant l’acquisition des capacités de décentration et de décontextualisation, un enfant a généralement tendance à répéter ce qu’il a pu entendre auparavant.

      D’après Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton, dans Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire, le plus souvent chez les jeunes enfants les oraux et les écrits sont dits « réflexifs », car ils reprennent les discours des autres. Même si l’utilisation de ces discours est une source pour les apprentissages des processus de langage, il faut cependant noter que cela peut se réduire à une simple répétition. On doit alors distinguer le psittacisme scolaire, de l’utilisation du propos des autres que l’enfant transforme pour l’intégrer à son propre discours. Comme exemple de psittacisme, on peut prendre celui des poésies, comme Le corbeau et le renard de Jean de la Fontaine, qui pour la plupart d’entre nous, appartient à notre culture scolaire. Cependant, parmi les jeunes enfants ayant appris cette fable, combien ont assimilé le sens de chaque mot, et l’ont comprise dans son intégralité ? Le plus souvent, on est face à des enfants qui « apprennent par cœur », mais il ne faut pas croire pour autant que le sens des mots soit clairement compris.
      De plus le texte d’enfant serait une forme de reproduction des textes donnés à lire, par les adultes, aux enfants. Selon Bruno Duborgel, dans Imaginaire et pédagogie, l’enfant associerait différents éléments pris dans différentes histoires lues pour composer ses propres textes et récits, sans jamais avoir à imaginer de lui-même.

      Dès lors qu’un enfant a réussi à assimiler les notions d’espace et de temps, qu’il a fait un pas vers la décentration et la décontextualisation, en bref qu’il quitte peu à peu sa vision égocentrique du monde, il peut commencer à produire ses propres récits et histoires.

      b. La production et la compréhension des récits

      Les enfants ont du mal à reconnaître et différencier les histoires des autres textes. Espéret, cité dans le récit et sa construction, a montré dans une étude qu’avant cinq ans, tout texte présenté comportant un personnage constitue une histoire. A partir de cinq ans, il arrive à différencier des « non-textes », ou ensemble de propositions n’ayant aucun lien entre elles, des autres textes. Ils effectuent cette distinction sur la base qu’une histoire doit à l’origine présenter des évènements qui ont un lien entre eux. C’est seulement à partir de neuf ans qu’ils arrivent à cerner les histoires : textes créés sur la base du schéma narratif.

      Le schéma narratif, ou trame de l’histoire, doit se composer selon Stein et Glenn dans Le récit et sa construction, d’un déclencheur : événement qui provoque une réponse qui trouble le personnage, ce qui l’amène à établir un plan d’action qui est testé, provoquant ainsi des conséquences directes et des conséquences affectives qui mènent à la résolution de l’histoire.

      Cette difficulté, à différencier ce qui correspond à une histoire de ce qui n’en est pas une, est responsable des problèmes des enfants à créer des histoires.
      Brown et Smiley ont montré, dans Le récit et sa construction, que les enfants et les adolescents avaient du mal à classer les éléments selon l’importance qu’ils occupent, c’est à dire qu’ils ont du mal à percevoir ce qui est essentiel dans une histoire et ce qui ne l’est pas. Leur capacité à hiérarchiser croît avec leur âge ainsi ce n’est que vers dix-huit ans qu’ils acquièrent cette aptitude. Cette difficulté à classer les éléments ne leur permet pas de maximiser leur capacité à créer des récits, car ils ont du mal à suivre et mettre en place une trame. Ils ont tendance à rassembler de nombreuses informations non essentielles qui encombrent le récit.

      Avant d’arriver à produire des récits semblables à ceux d’un adulte, le travail d’un enfant passe par différents stades. Applebee, cité dans Le récit et sa construction, s’est appuyé sur les travaux de Vygotski, concernant une classification des différents types narratifs. Il en a ainsi décelé six :
      -Les amas qui regroupent des phrases n’ayant aucun lien logique entre elles. On ne perçoit pas le but.
      -Les séquences, qui sont composées par une succession de phrases ayant un élément commun tel que le sujet de ces phrases. Cela ressemble à une liste, c’est le plan de l’histoire.
      -Les « narrations primaires », où tous les éléments sont ordonnés, on peut y distinguer un plan, le but. Cela constitue un script.
      -Les « chaînes non focalisées » qui sont constituées par de grandes phrases, regroupant une multitude d’idées. Les éléments sont liés entre eux, formant ainsi une grande chaîne : le premier élément étant lié au second qui est lié au troisième…etc.
      -Les « chaînes focalisées », dont on peut résumer l’idée dans un titre. En effet, on y voit un thème central, et le récit est structuré.
      -Les « narrations », où l’on perçoit à travers le récit de l’élève la progression, on distingue clairement le début et la fin de l’histoire. L’élève part d’une idée basique et l’étoffe au fur et à mesure de son récit en introduisant de nouvelles données.

      Selon Michel Fayol, dans Le récit et sa construction, avec l’évolution psychique et cognitive de l’enfant, le récit tend à s’organiser davantage d’après une structure, avec une fin, des séquences articulées en fonction d’une « logique de l’histoire » ou d’une cohérence de la description, et l’organisation temporelle du récit s’intensifie. Et inversement, les écrits des enfants limités à un simple « thème-réponse » en une phrase sont de plus en plus rare, plus il grandit plus il développe, il ne se limite pas à une phrase pour répondre à une question du maître, il construit un récit constitué de plusieurs phrases qui s’enchaînent. Par exemple, à la question : « que vois-tu sur l’image ? », l’enfant ne se contente plus de répondre : « Le personnage s’amuse avec son chien », il étoffe il pourra dire par exemple que : « Il fait beau, alors le personnage joue avec son chien dans le parc. On doit être mercredi, donc il n’a pas école… » De même, les textes d’enfants sans liens logiques ni temporels, sans principes d’organisation narrative ou descriptive, se substituent à des textes beaucoup plus organisés avec des séquences thématiques coordonnées entre-elles, et le développement est plus important. Nous remarquons aussi que plus l’enfant grandit, plus il utilise un nombre important de thèmes différents dans son récit.
      Karmiloff Smith, citée dans Le récit et sa construction, a remarqué, elle aussi, qu’avant six ans, le récit se présente sous la forme d’une juxtaposition de phrases n’ayant aucun lien. Après six ans, les enfants commencent à structurer leur récit en utilisant des pronoms. Leur récit se révèle être une sorte de liste où toutes les propositions ont le même agent. Pour Karmiloff Smith, les narrations des enfants de plus de six ans sont dirigées de manière à obtenir la cohésion du récit. Cette cohésion faisant référence aux marqueurs ou connecteurs qui relient les différentes propositions entre elles.
      L’enfant tente par l’utilisation du même agent à établir le récit selon le point de vue de celui-ci. La recherche de la cohésion par l’adoption d’un point de vue provoque l’utilisation répétitive d’un pronom anaphorique et la nécessité d’avoir recours à des choix au niveau du vocabulaire et de la structure (utilisation de la voix passive de manière à garder le pronom anaphorique).

      Les notions de but, de « plan », de « script », selon Schark et Abelson, cités dans Le récit et sa construction occupent une place importante dans la constitution du récit. Le but est nécessaire pour unifier et donner un sens aux actions de l’histoire, car il en est la finalité. Toutes les actions engagées doivent mener à l’accomplissement du but.
      Le « plan » correspond à l’ensemble des actions nécessaires pour atteindre le but : c’est la suite des actions. En général, le but se divise en sous-buts qui déterminent les actions qui composent alors le plan. Le « plan » ne nécessite pas d’être complexe pour pouvoir accomplir le but. En général, les sujets savent comment agir et par conséquent leurs actions ne sont pas complexes.
      Les « scripts » sont l’ensemble des plans qui sont mémorisés à long terme afin d’être utilisables. C’est-à-dire que si l’on à déjà eu à accomplir un but, l’esprit ne recommence pas toute une série de recherches pour trouver quel est le meilleur moyen d’accomplir le but, il cherche dans la mémoire le script qui mène à la résolution du problème. Le « script » n’est pas mis en évidence dans la construction du récit, puisqu’il s’agit plutôt d’un processus mental, ce qu’il en sort, c’est une rapidité à trouver le plan.
      De ce fait, l’évolution du récit commence par la mise en place de la construction de buts, vers quatre ans, apparaît une organisation du récit de type plan c’est-à-dire un but et une chaîne d’actions nécessaire pour l’atteindre.

      Selon Michel Fayol, dans Le récit et sa construction, la difficulté pour la production de récits vient du fait qu’avant de commencer on a une idée de ce que l’on va dire. Il faut ensuite scinder l’histoire en morceaux, qu’il faudra articuler entre eux de manière à assurer la cohérence et la cohésion du texte pour que l’auditeur puisse comprendre ce dont il est question. La cohérence correspond au fait de donner un sens à un ensemble de mots, la cohésion à l’utilisation de marqueurs pour relier les phrases entre elles afin de donner du sens à l’ensemble de l’histoire.
      Ce genre d’exercice nécessite, pour sa pratique, que l’enfant possède une représentation symbolique des processus qu’il doit utiliser pour mener à bien son récit. C’est un travail très dur, car il met en œuvre de nombreux processus qui surchargent la mémoire. En effet, il faut avoir une idée de la méthode à employer, assurer la cohérence en cherchant dans notre champ lexical, et maîtriser la cohésion du texte en utilisant des marqueurs et des temps adaptés.

      Pour comprendre un récit, il faut s’en construire une représentation mentale, nécessitant une hiérarchisation des différents évènements. Les évènements sont emmagasinés dans la mémoire et classés. Lorsque l’individu rappellera l’histoire, il utilisera cette hiérarchie pour la restituer, c’est-à-dire qu’il citera les événements en fonction de leur importance, ce qui fait qu’un élément de faible importance ne sera cité que si celui qui le précède a été cité. Autrement dit, lorsque la personne reconstitue le récit il se peut qu’elle ne cite pas tous les éléments dont elle se souvient.
      La théorie du « schéma », développée ultérieurement dans notre sujet, concorde avec cette remarque : cette théorie montre que l’histoire se structure par différents éléments : un déclencheur, la réponse interne… La hiérarchisation des informations se ferait comme si les différents éléments étaient des cases, et les évènements de l’histoire des objets à ranger dans ces cases. C’est pourquoi, les informations n’ayant pas de cases où être rangées, seraient plus ou moins laissées telles quelles, et ont tendance à être oubliées lors de la restitution du récit.
      Cependant, il existe une autre théorie pour le rappel des informations : la théorie du « fil rouge » développée par Black et Brown, cités dans Le récit et sa construction. Selon cette théorie, c’est parce que tous les évènements sont liés par des liens de causalité que l’on s’en souvient. Du premier événement découle le second duquel découle le troisième… et ainsi de suite.
      Ces deux théories sont en opposition. La deuxième a tendance à dominer actuellement, elle permet de comprendre comment l’enfant et l’adulte font pour intégrer l’information fournie par l’histoire. La compréhension du texte serait fonction du nombre de sous-buts mis en place dans l’action, c’est à dire les différentes actions nécessaires à la réalisation d’un événement qui doit servir le but. Par exemple, Constantin souhaite partir en vacances en Egypte : but principal, les sous-buts pourraient être : prendre des vacances, aller acheter un billet d’avion, s’occuper de ses papiers, préparer ses bagages… Plus il y aurait d’actions, plus l’histoire serait longue à comprendre.
      La compréhension du texte nécessite , tout d’abord l’existence antérieure d’une structure qui permette d’organiser les informations pour qu’elles soient intégrées en mémoire. Puis une modification des connaissances antérieure à la compréhension, ce qui est nécessaire pour que le texte ait de l’intérêt pour l’auditeur.
      Lors de la lecture vient une phase d’anticipation. C’est-à-dire qu’on s’attend à ce qui va se passer dans l’histoire. Cela peut se produire parce que les conséquences d’un acte sont évidentes où alors implicitement dictées à l’avance. C’est pour cela que lors de la restitution, on oublie volontairement des éléments, car ils paraissent couler de source et on pense que l’auditeur pensera de lui même à ces éléments.
      Les travaux de Habberlandt, Riho Middel et bien d’autres, décrits dans Le récit et sa construction, ont montré que le début et la fin d’une séquence sont les moments pour lesquels on montre le plus d’attention. Il y a une croissance du temps de lecture, qu’on ne retrouve pas sur le milieu de la séquence, c’est-à-dire la voie de résolution qui mène au but.
      De ce fait, la lecture ou l’écoute est orientée, elle suit la théorie du schéma, le lecteur ou l’auditeur ne fait qu’un travail de recherche des éléments qu’il adressera dans les bonnes cases de la structure.

      Le traitement ascendant se fait par rapport à l’utilisation de connecteurs, de pronoms. Dans les études d’Anderson, Garrod et Sanford sur les temps de lecture, il était montré que le temps de lecture augmente avec l’absence de marqueurs, ou avec l’utilisation de mots plus complexes que d’autres. On parle de voie ascendante, car elle nécessite de prendre en compte ce qui a été dit précédemment, en effet on regarde les liens entre les propositions, et ce à quoi se réfère un pronom. La narration se base sur un contrôle de la structure évènementielle pour savoir où on en est dans le récit et sur un contrôle au niveau de la langue de façon à utiliser les termes adéquats, des marqueurs, utilisation des bons temps…

      Selon Michel Fayol, pour produire un récit, il faut posséder une représentation mentale de l’organisation des actions que l’on souhaite narrer. Il faut penser à l’auditeur, il est inutile de s’appesantir sur des faits qui ne retiendront pas l’attention de celui-ci, il faut au contraire parler de choses logiques, et ne pas oublier d’éléments qui nous semblent aller de soi, mais ne le sont pas pour l’auditeur. Il faut tenir compte des connaissances probables de celui-ci.
      Il est plus facile de narrer à l’oral car on peut voir les réactions de l’auditeur et réagir en fonction. S’il semble ne pas avoir compris, on peut répéter. Dans une conversation l’auditeur peut montrer son intérêt pour le thème, on peut donc commencer par un énoncé de nouvelles qui, si elles l’intéressent, pourront être explicitées.
      Selon Brewer, dans Le récit et sa construction, à l’oral, la narration d’événements prend deux formes, la forme rapport ou la forme récit. Le choix se fait généralement en fonction de l’intérêt que porte l’auditeur, en cas de grand intérêt on choisirait plutôt le récit. Le rapport se centre essentiellement sur les informations importantes. Le récit est généralement plus long, car plus complet, il donne le plus souvent la totalité des informations. Le genre récit a deux visées : distraire l’auditeur et l’informer, alors que le rapport ne vise qu’à informer.

      Selon Michel Fayol, dans Le récit et sa construction, trois grands types de facteurs influencent le récit des enfants :

      -La représentation des séquences d’actions, avec des images classées chronologiquement.
      L’enfant parvient à établir des liens de causalité et à utiliser des connecteurs temporels.
      Il est nécessaire que l’enfant maîtrise les processus de décontextualisation, et de décentration, pour parvenir à produire un récit mettant en jeu un point de vue autre que le sien, et étant moins imprégné de l’instant présent. Il s’aide alors de processus mentaux qui lui permettent d’établir des liens, et la cohérence de l’histoire.

      -L’influence des exemples de récits lus par des adultes aux enfants.
      Applebee, cité dans Le récit et sa construction, lors d’une étude sur les marques formelles du récit, et leur mise en place au cours du développement, a montré que, à cinq ans, la quasi-totalité des sujets recourrait à un début rituel, « il était une fois… » et beaucoup moins à une fin rituelle « ils se marièrent… » quand on leur demandait de raconter une histoire. Donc l’imagination de l’enfant est conditionnée par les textes lus par les adultes.
      Les enfants sont aussi capables d’utiliser le « schéma narratif » dès l’âge de six sept ans de manière inconsciente, et ne s’en servent consciemment que vers l’âge de neuf dix ans, pour arriver à mémoriser des textes, résoudre des problèmes. Vers six sept ans, l’utilisation du schéma narratif découle des diverses lectures qu’il a rencontrées et montre l’acquisition involontaire de la succession logique du déroulement d’une histoire,

      -Les interventions des adultes pour guider l’enfant dans l’élaboration de son récit.
      Il est nécessaire à l’enfant de s’adapter et de transformer son récit en fonction de la situation et de son interlocuteur. Questions, où, quoi, quand, comment ?

      Dans Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire, Jacky Caillier nous dit que les questions posées à l’enfant le poussent à effectuer une « rétroaction » dans son récit, « rétroaction » qui peut par la suite venir de lui-même, pour étayer son histoire. De plus ce genre de sollicitation, peut aider un enfant à structurer sa pensée.
      L’enfant apprend à construire son récit en fonction des interventions, des attitudes de son entourage. On parle alors de « dialogisme », c’est-à-dire, selon J. Brès, cité dans Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire, que tout énoncé s’inscrit dans une chaîne verbale. Il dépend de ce qui a été dit avant et provoque ce qui vient par la suite. L’instauration d’un dialogue permet de déplacer son point de vue, et donc montre une habilité intellectuelle. Cette attitude, qui consiste, pour construire son propre point de vue et pour produire son propre discours et l’enrichir, à utiliser les dires, et les savoirs des autres, se rencontre chez de nombreux élèves et montre certaines formes de socialité cognitive.

      Pour Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton, dans Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire, dans les classes où l’on pense, parle, lit, et où l’écriture est permanente et se nourrit des échanges entre les élèves, les maîtres, à partir d’œuvres et de documents, l’enfant est amené à produire des textes à différents niveaux d’apprentissages. Cette activité réflexive provoque chez lui des déplacements d’ordre cognitif, psycho-socio-affectif. Le rôle du professeur est alors, avant toute chose, de suivre l’évolution de chacun de ses élèves et de les guider sur le chemin de l’acquisition des techniques du récit, et de l’écriture en général. L’observation du développement de l’écriture et de son contrôle, des stratégies de l’écriture reprises ou inventées sont des révélateurs du pouvoir réflexif du langage. On observe petit à petit, comment l’écriture permet à celui qui l’utilise de faire un pas de plus dans la construction du sens, par exemple le développement de son imaginaire, l’enrichissement de ses savoirs, la compréhension des autres et de lui-même.

      Après avoir développé les éléments de la construction du récit, nous verrons, ce qui, dans les récits lus ou entendus par l’enfant, l’aide à évoluer dans son état d’enfant, et à accepter la réalité du monde qui l’entoure.

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      • Artisan de l'ombre Dit :

        4. Les contes, un bien ou un mal ?

        Si nombreux soient les auteurs, les psychanalystes, les pédagogues qui appuient la nécessité des contes de fées. Il ne faut pas pour autant mettre de côté les nombreux autres auteurs, et même parents, qui au contraire désapprouvent l’utilisation des contes à l’école, où même le fait de laisser les enfants lire librement les contes et les histoires fantastique. Ils sont à leurs yeux irrationnels et poussent les enfants dans le refus de la réalité.

        D’après Bruno Duborgel, dans Imaginaire et pédagogie, tout le monde n’approuve pas les bien-faits des contes merveilleux. Ils inquiètent même certains pédagogues, ils pensent qu’ils peuvent être néfastes pour l’enfant. Le refus de ce monde merveilleux est soutenu par de grands noms comme Jean-Jacques Rousseau, ou bien encore Maria Montessori. Pour eux, les contes détournent l’enfant du réel, ils l’entretiennent dans une représentation, son existence est dirigée par les rêves, la fiction, le plaisir. L’enfant n’aura pas une vision objective de la réalité.
        De plus, les contes offrent des « explications » magiques du monde, qui s’opposent au développement de la rationalité de l’enfant, alors qu’il peut comprendre des explications scientifiques. B.Perez se demande pourquoi enseigner à l’enfant des choses qu’il lui faudra désapprendre plus tard. Il pense que l’enfant peut comprendre la réalité. « La science n’est-elle pas poésie et ne peut-elle pas s’approprier à l’intelligence du petit enfant ? ».
        Enfin, selon ces pédagogues, de nombreux contes sont littérairement, moralement et psychologiquement néfaste pour l’enfant qui les écoute ou les lit, car certaines expressions sont obscures et introduisent de la magie dans le conte, certains passages peuvent se révéler violents, cruels, et donc les choquer.

        En réponse à cela, Bruno Bettelheim affirme que l’« irréalité » dans les contes n’est pas un danger pour l’enfant. « La nature irréaliste de ces contes est un élément important qui prouve à l’évidence que les contes de fées ont pour but non pas de fournir des informations utiles sur le monde extérieur mais de rendre compte de ces processus internes, à l’œuvre dans un individu ». De plus, à partir de cinq ans, l’enfant sait que ces histoires ne sont pas réelles. Les contes de fées décrivent sous une forme imaginaire et symbolique, les étapes essentielles de la croissance et l’accession à une vie indépendante. Même s’il imagine des tas de choses, il arrive à faire la part de ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Il sait que quand le jeu est terminé, il redevient l’enfant qu’il était avant le début du jeu même si pendant un moment, il était une princesse ou un preux chevalier. Dans les contes, il y a des marqueurs bien spécifiques, qui situent les actions dans des passés lointains : « il était une fois… », et des contrées lointaines : « dans un royaume aujourd’hui oublié… ». De ce fait, les histoires qui se veulent plus réalistes ont tendance à lui embrouiller l’esprit et le mener à confondre réel et irréel.

        L’enfant sait que les histoires des contes de fées sont irréelles mais réelles à la fois car si les actes et évènements ne peuvent pas se produire dans notre monde, il sait qu’ils symbolisent les étapes de sa formation.
        Selon Henri Wallon cité dans Imaginaire et pédagogie : aimer les histoires imaginaires n’est pas un mal, bien au contraire, c’est une étape importante de l’esprit pour pouvoir simuler des actes afin de les réaliser. Cela permet une intériorisation de la pensée, on est ainsi capable de voir les répercussions de ses actions.

        Les contes féeriques ont été éloignés au profit des contes légendaires. Le conte était traduit en « beau langage » pour protéger l’enfant d’une certaine violence. Il devait s’adapter à la pédagogie, avoir un langage scolaire. E. Laboulaye, cité dans Imaginaire et pédagogie, a classé les contes en trois catégories selon la prise en charge pédagogique. Il y a tout d’abord les contes de fées comme ceux de Perrault et de Grimm qui font appel à l’imaginaire, et n’ont qu’une mission de distraction, aucun but éthique. Ensuite viennent les contes « moraux » écrits pour la jeunesse, qui sont un apprentissage de la vie et répondent aux exigences de réalisme. Enfin, il existe les « contes scientifiques », très réalistes, qui ont un but pédagogique précis.

        Pour Bruno Bettelheim, si on prive les enfants des contes de fées, on les prive plus ou moins de leur imagination, et donc on les empêcherait de régler leurs problèmes pour qu’ils puissent développer leur moi rationnel. Ils refouleraient une partie de leurs fantasmes dans leur inconscient. Or les fantasmes sont nécessaires pour construire les bases du ça. Bien sûr l’enfant est capable d’imaginer des histoires mais si celles-ci ne s’inspirent pas de ce qu’il a lu ou entendu, elle ne peuvent pas lui servir pour régler ses problèmes.

        En plus des nombreux pédagogues qui s’opposent aux contes de fées, on trouve des parents qui n’approuvent pas le fait qu’on laisse leurs enfants face à des monstres et des créatures de toutes sortes qui les effraient et les éloignent de la réalité.

        Tous les parents souhaitent protéger leurs enfants de la souffrance, du chagrin. Beaucoup sont tentés de dissimuler la mort d’un proche, en évoquant un lointain voyage, par exemple. Malgré les efforts de son entourage, l’enfant ne peut éviter la peur. Il s’inquiète des discordes de ses parents, des soucis que ses parents peuvent rencontrer, sur toutes sortes de choses comme des bruits la nuit. En bref son rapport à réalité n’est pas forcément rassurant

        Bruno Bettelheim, explique que le conte ne traumatise pas l’enfant, mais renforce sa structure mentale en l’informant des épreuves à venir. il apprend à surmonter ses peurs réelles, et à respecter un code moral, comme celui tout simple de ne pas désobéir, sous peine de devoir faire face à des difficultés insurmontables. C’est pourquoi il a besoin de s’inventer un monde dont il est le maître, où il exerce sa toute puissance, même sur ses peurs.

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        • Artisan de l'ombre Dit :

          5. Conclusion :

          Au cours de cette étude on a pu remarquer que les histoires, qu’elles soient contes ou bien récits de faits réels, sont indissociables de l’éducation. Elles ont un rôle essentiel dans le développement de l’enfant, au niveau psychique, au niveau cognitif…

          Le récit reste aujourd’hui encore mystérieux pour les psychologues malgré qu’il ait été très étudié au cours des dix dernières années. Actuellement, on est encore loin de connaître les processus cognitifs mis en œuvre par l’enfant, que ce soit en compréhension ou en production. A l’heure actuelle, on peut répertorier quatre grands axes de recherche. Le premier s’occupe des marques superficielles du récit, par exemple, connecteurs logiques et temporels… le second, se concentre sur la structure du récit et les représentations mentales que l’on s’en fait. Le troisième est basé sur l’influence de l’environnement sur la construction du récit : familiarité du thème… Le dernier, nettement moins étudié, concerne les processus mentaux utilisés pour produire et comprendre les récits. Ce quatrième axe se veut être une synthèse des trois précédents.

          Ces différents axes d’étude sont complémentaires, il est indispensable de les articuler pour envisager des applications pratiques. Celles-ci sont omniprésentes au sein des écoles, notamment dans des activités pédagogiques comme l’écriture ou la lecture.

          Le livre pour enfants est un outil indispensable pour les intervenants auprès de la petite enfance, puisqu’il s’adresse à la personnalité toute entière de l’enfant. La littérature enfantine est un hymne à la fantaisie et à l’imaginaire. On ne peut qu’encourager l’imaginaire pour son action sur le développement psycho cognitif de l’enfant, pour ses vertus thérapeutiques et pour ses valeurs créatrices.
          Les éducateurs ont un rôle important dans le développement et la maîtrise de l’imaginaire. L’album lu et écouté peut susciter différentes approches qui permettent à l’enfant de découvrir le pouvoir du langage et de faire exister des univers imaginaires.
          Cependant les activités scolaires, pédagogiques, qui tournent autour de la lecture et de l’écriture d’histoire nécessite un minimum de savoir langagier des enfants. Ces activités sont nombreuses, elles font partie intégrante des programmes scolaires : Interrompre le cours d’une histoire (choisir une histoire proche du conte traditionnel) et inviter les enfants à imaginer la fin que propose l’album ; terminer la lecture de l’album et imaginer une suite, on peut relancer l’histoire avec un événement imprévu ; imaginer la vie de l’un des personnages ; modifier une donnée de départ et transposer l’ensemble de l’histoire ; faire se rencontrer des personnages de différentes histoires.
          Mais les livres pour enfants ne restent pas cloîtrés sagement dans la bibliothèque d’une école, attendant patiemment qu’un instituteur vienne les dépoussiérer. Ils sont partout, et nous entourent, et sont aussi essentiels dans un cadre scolaire, qu’ils le sont dans le cadre familial.
          Chacun prend dans la lecture des romans ce qui lui convient et la force d’un mythe justement est de permettre à chacun de trouver un écho personnel dans un récit universel. Là ou un problème se pose c’est à partir du moment où un roman (Harry Potter), un conte (Cendrillon, le Petit Poucet…) est détourné de sa fonction première pour devenir un produit de consommation de masse, où l’imagination de l’enfant n’a plus sa place.
          De nos jours, les livres pour enfants sont légion, qu’ils soient contes, romans féeriques, ou bien fantastiques. Il y a pourtant une différence fondamentale entre les contes traditionnels et les romans qui donnent la « chair de poule ». Ces derniers emmènent le lecteur, donc l’enfant, dans un système de pensée ou le paranormal côtoie le réel. De ce fait, les jeunes se mettent à croire en l’existence d’êtres malfaisants, et de créatures invisibles. Leur fascination pour ses lectures, qui génèrent pourtant en eux ces peurs irraisonnées, tient plus dans le fait qu’ils souhaitent atteindre une vérité cachée, que dans le désir de se faire peur.

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          • Artisan de l'ombre Dit :

            6. Bibliographie

            Ouvrages :

            • Bettelheim, B. (1976). Psychanalyse des contes de fées. Paris : Editions Robert Laffond .
            • Duborgel, B. (1983). Imaginaire et pédagogie. Paris : Le sourire qui mord.
            • Patte, G. (1987). Laissez-les lire ! Paris : Editions ouvrières.
            • Fayol, M. (1985). Le récit et sa construction. Paris : Delachaux & Niestlé.
            • Garitte, C. (1998). Développement de la conversation chez l’enfant. Paris, Bruxelles : De Boeck Université.
            • Chabanne, J.C. & Bucheton, D. (2002). Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire. Paris : Puf.
            • Beaudichon, J. (1982). La communication sociale chez l’enfant. Paris : Puf.
            • Rodari, G. (1997). Grammaire de l’imagination. Paris : Rue du monde.
            • Piaget, J. (1997). Le langage et la pensée chez l’enfant. Paris : Delachaux & Niestlé.
            • Rateau, D. (1998). Lire des histoires à des bébés. Paris : Erès.

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  2. Artisan de l'ombre Dit :

    Résumé :
    Qu’est-ce qu’un conte?
    Bruno Bettelheim, pédopsychiatre, y voit un rite de passage entre l’univers de l’enfance et le monde des parents. L’intérêt que les enfants portent à ces récits, les affects qu’ils éprouvent à leur lecture, prouvent que ces histoires sont pour eux affaire sérieuse. Le conte aide les enfants à donner du sens à leur vie : il formule à sa façon ce qui, du monde des adultes, leur échappe et les intrigue. La simplicité des situations et des personnages (bon/méchant, enfant/parent, héros/ennemi…) offre à l’imaginaire infantile des repères faciles pour reproduire, à quelques simplifications près, des pensées ou des sentiments qui ont été réprimés dans la vie réelle. Bettelheim retrouve dans le matériel des contes de fées les grands thèmes analytiques : « Les trois petits cochons » mettent en scène l’opposition entre le principe de plaisir et le principe de réalité ; Blanche-Neige se rattache aux conflits oedipiens ; La Gardienne d’oies, rapporté à l’interdit de l’inceste, indique la voie vers l’autonomie, etc. Des analyses qui vous feront relire autrement les contes de votre enfance ! –Emilio Balturi

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  3. Artisan de l'ombre Dit :

    Extrait du livre : « Psychanalyse des contes de fées », de Bruno Bettelheim,
    7 juillet 2010, 18:31
    LA PEUR DU FANTASME

    Pourquoi les contes de fées sont-ils mis à l’index ?

    Pourquoi tant de parents intelligents, bien intentionnés, modernes et appartenant aux classes aisées, soucieux du bon développement de leurs enfants, dévaluent-ils les contes de fées et privent-ils leurs enfants de ce que ces histoires pourraient leur apporter ? Nos aïeux de l’époque victorienne eux-mêmes, malgré l’importance qu’ils accordaient à la discipline morale, malgré leur pesant mode de vie, non seulement autorisaient, mais encourageaient leurs enfants à faire travailler leur imagination sur les contes de fées et à en tirer du plaisir. Le plus simple serait de mettre cet interdit sur le compte de l’étroitesse d’esprit, mais ce n’est pas le cas.
    Certains disent que les contes de fées sont malsains parce qu’ils ne présentent pas le tableau « vrai » de la vie réelle. Il ne vient pas à l’esprit de ces personnes que le « vrai », dans la vie d’un enfant, peut-être tout différent de ce qu’il est pour l’adulte. Ils ne comprennent pas que les contes de fées n’essaient pas de décrire le monde extérieur et la « réalité ». Ils ne se rendent pas compte que l’enfant sain d’esprit ne croit jamais que ces histoires décrivent le monde d’une façon réaliste.
    Certains parents ont peur de « mentir » à leurs enfants en leur racontant les évènements fantastiques contenus dans les contes de fées. Ils sont renforcés dans cette idée par cette question que leur pose l’enfant : « Est-ce que c’est vrai ? » De nombreux contes de fées, dès leurs premiers mots, répondent à cette question avant même qu’elle puisse être formulée. Par exemple, « Ali Baba et les Quarante Voleurs » commence ainsi : « À une époque qui remonte très très loin dans la nuit des temps… » L’histoire des frères Grimm, « Le Roi Grenouille ou Henri le Ferré » s’ouvre par ces mots : « Dans l’ancien temps, quand les désirs s’exauçaient encore… » Des débuts de ce genre marquent clairement que l’histoire se situe à un niveau très différent de la « réalité » d’aujourd’hui. Certains contes de fées commencent d’une façon très réaliste : « Il était une fois un homme et une femme qui désiraient en vain, depuis très longtemps, avoir un enfant. » Mais pour l’enfant qui est familiarisé avec les contes de fées, « il était une fois » a le même sens que « dans la nuit des temps ». Cela montre qu’en racontant toujours la même histoire au détriment des autres, on affaiblit la valeur que les contes de fées ont pour l’enfant tout en soulevant des problèmes qui sont tout naturellement résolus si l’enfant en connaît un grand nombre.
    La « vérité » des contes de fées est celle de notre imagination et non pas d’une causalité normale. Tolkien, à propos de la question « Est-ce que c’est vrai ? », remarque : « Il ne faut pas répondre à la légère de façon inconsidérée. » Il ajoute que la question suivante a beaucoup plus d’importance pour l’enfant : « Est-ce qu’il est gentil ? Est-ce qu’il est méchant ? » C’est-à-dire que l’enfant veut avant tout distinguer ce qui est mal de ce qui est bien.
    Avant d’être à même d’appréhender la réalité, l’enfant, pour l’apprécier, doit disposer d’un cadre de référence. En demandant si telle ou telle histoire est vraie, il veut savoir si cette histoire fournit quelque chose d’important à son entendement, et si elle a quelque chose de significatif à lui dire en ce qui concerne SES préoccupations les plus importantes.
    Citons Tolkien une fois de plus : « Le plus souvent, ce que veut dire l’enfant quand il demande « Est-ce que c’est vrai ? » c’est « J’aime bien cette histoire, mais est-ce qu’elle se passe aujourd’hui ? Est-ce que je suis en sécurité dans mon lit ? » La seule réponse qu’il souhaite entendre est la suivante : « Il n’y a certainement plus de dragons en Angleterre aujourd’hui ! » Et Tolkien continue : « Les contes de fées se rapportent essentiellement non pas à une « possibilité », mais à la « désirabilité. » Voilà quelque chose que l’enfant comprend très bien : pour lui rien n’est plus vrai que ce qu’il désire.
    Parlant de son enfance, Tolkien raconte : « Je ne désirais pas du tout avoir les mêmes rêves et les mêmes aventures qu’Alice, et quand on me les racontait, j’étais amusé, c’est tout. Je n’avais guère envie de chercher des trésors enfouis et de me battre avec des pirates, et l’Île au trésor me laissait froid. Mais le pays de Merlin et du roi Arthur valait beaucoup mieux que cela, et, par-dessus tout, le Nord indéterminé de Sigurd et du prince de tous les dragons. Ces contrées étaient éminemment désirables. Je n’ai jamais imaginé que le dragon pût appartenir à la même espèce que le cheval. Le dragon portait visiblement le label « Contes de fées ». Le pays où il vivait appartenait à « l’autre monde »… J’avais un désir très profond de dragons. Evidemment, dans ma peau d’enfant timide, je n’avais pas la moindre envie d’en avoir dans le voisinage, ni de les voir envahir mon petit monde où je me sentais plus ou moins en sécurité. »
    Lorsque l’enfant demande si le conte dit la vérité, la réponse devrait tenir compte non pas des faits réels, pris à la lettre, mais du souci momentané de l’enfant, que ce soit sa peur d’être ensorcelé ou ses sentiments de jalousie œdipienne. Pour le reste, il suffit en général de lui expliquer que ces histoires ne se passent pas de nos jours, dans le monde où nous vivons, mais dans un pays inaccessible. Les parents qui, d’après les expériences de leur propre enfance, sont convaincus de l’importance des contes de fées, n’auront aucune peine à répondre aux questions de leurs enfants. Mais l’adulte qui pense que ces histoires ne sont que des tissus de mensonges ferait mieux de s’abstenir de les raconter. Ils seraient incapables de les dire d’une façon qui pourrait enrichir la vie de leurs enfants.
    Certains parents redoutent que leurs enfants se laissent emporter par leur fantasmes ; que mis en contact avec les contes de fées, ils puissent croire au magique. Mais tous les enfants croient au magique, et ils ne cessent de le faire qu’en grandissant (à l’exception de ceux qui ont été trop déçus par la réalité pour en attendre des récompenses). J’ai connu des enfants perturbés qui n’avaient jamais entendu de contes de fées mais qui investissaient un moteur électrique ou un moteur quelconque d’un pouvoir magique ou destructeur qu’aucun conte de fées n’a jamais prêté au plus puissant et au plus néfaste des personnages.
    D’autres parents craignent que l’esprit de l’enfant puisse être saturé de fantasmes féeriques au point de ne plus pouvoir apprendre à faire face à la réalité. C’est le contraire qui est vrai. Si complexe qu’elle soit (bourrée de conflits, ambivalente, pleine de contradictions), la personnalité humaine est indivisible. Toute expérience, quelle qu’elle soit, affecte toujours les divers aspects de la personnalité d’une façon globale. Et l’ensemble de la personnalité, pour pouvoir affronter les tâches de la vie, a besoin d’être soutenue par une riche imagination mêlée à un conscient solide et à une compréhension claire de la réalité.
    La personnalité commence à se développer de façon défectueuse dès que l’un de ses composants (le ça, le moi ou le surmoi, le conscient ou l’inconscient) domine l’un des autres et prive l’ensemble de la personnalité de ses ressources particulières. Parce que certains individus se retirent du monde et passent la plus grande partie de leur temps dans le royaume imaginaire, on a supposé à tort qu’une vie trop riche en imagination nous empêche de venir à bout de la réalité. Mais c’est le contraire qui est vrai : ceux qui vivent totalement dans leurs fantasmes sont en proie aux ruminations compulsives qui tournent éternellement autour de quelques thèmes étroits et stéréotypés. Loin d’avoir une vie imaginative riche, ces personnes sont emprisonnées et sont incapable de s’échapper de leurs rêves éveillés qui sont lourds d’angoisses et de désirs inassouvis. Mais le fantasme qui flotte librement, qui contient sous une forme imaginaire une large variété d’éléments qui existent dans la réalité, fournit au moi un abondant matériel sur lequel il peut travailler. Cette vie imaginative, riche et variée, est fournie à l’enfant par les contes de fées qui peuvent éviter à son imagination de se laisser emprisonner dans les limites étroites de quelques rêves éveillés axés sur des préoccupations sans envergure.
    Freud disait que la pensée est une exploration des possibilités qui nous évite les dangers attachés à une véritable expérimentation. La pensée ne demande qu’une faible dépense d’énergie, si bien qu’il nous en reste pour agir dès que nos décisions sont prises, lorsque nous avons soupesé nos chances de succès et la meilleure façon de l’atteindre. Cela est vrai pour les adultes : le savant, par exemple, « joue avec les idées » avant de commencer à les explorer plus systématiquement. Mais les pensées du jeune enfant ne procède pas de façon ordonnée, comme le font celle de l’adulte : les fantasmes de l’enfant sont ses pensées. Quand il essaie de comprendre les autres et lui-même ou de se faire une idée des conséquences particulières d’une action, l’enfant brode des fantasmes autour de ces notions. C’est sa façon de « jouer avec les idées ». Si on offre à l’enfant la pensée rationnelle comme moyen principale de mettre de l’ordre dans ses sentiments, et de comprendre le monde, on ne peut que le dérouter et le limiter.
    Cela reste vrai même quand l’enfant semble demander des informations factuelles. Piaget raconte qu’un jour une petite fille qui n’avait pas encore quatre ans lui posa des questions sur les ailes des éléphants. Il lui répondit que les éléphants ne volaient pas. Sur quoi, la petite fille insista : « Mais si ! Ils volent. Je les ai vus ! » Il se contenta de répondre qu’elle disait ça pour rire. Cet exemple montre les limites du fantasme enfantin. Il est évident que cette petite fille se débattait avec un problème quelconque et on ne l’aidait certainement pas en lui fournissant des explications factuelles qui n’avaient rien à voir avec ce problème.
    Si Piaget avait poursuivi la conversation en lui demandant vers quel endroit l’éléphant volait à tire-d’aile, ou à quels dangers il essayait d’échapper, les problèmes qui tourmentaient la petite fille auraient pu apparaître ; Piaget lui aurait alors prouvé qu’il était prêt à accepter sa façon d’explorer ces problèmes. Mais il essayait de comprendre comment travailler l’esprit d’un enfant sur la base de son propre cadre de référence, tandis que la petite fille, de son coté, s’entêtait à comprendre le monde à sa façon : à travers une élaboration issue de son imagination, c’est-à-dire tel qu’ « elle » le voyait.
    Tel est le drame de tant de « psychologue infantiles » : leurs découvertes sont pertinentes et importantes, mais apportent aucun bénéfice à l’enfant. Ces trouvailles psychologiques aident l’adulte à comprendre l’enfant à partir d’un cadre adulte de référence. Mais cette compréhension adulte des rouages de l’esprit de l’enfant ne fait souvent qu’élargir le fossé qui les sépare : ils considèrent le même phénomène d’un point de vue si différent que chacun d’eux observe quelque chose de tout à fait différent. Si l’adulte insiste en disant que sa façon de voir les chose est correcte, ce qui est sans doute objectivement vrai, étant donné ce qu’il sait, l’enfant a l’impression décourageante que ce n’est pas la peine d’essayer d’aboutir à une compréhension normale. Sachant qui est le plus fort, l’enfant, pour éviter les ennuis et avoir la paix, finit par dire qu’il est d’accord avec l’adulte et il n’a plus qu’a se débrouiller tout seul.

    Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, p. 182

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