L’apprentissage du français
Apprendre le français n’a pas le même sens selon que l’on maîtrise ses rudiments ou non, mais même dans les programmes scolaires français actuels, qui datent de 1996, les techniques qui ressortissent à l’enseignement des outils de la langue sont à bien des égards celles du français langue étrangère : l’étude de la langue (le fait linguistique) y va de pair avec la maîtrise de la langue (la «pratique langagière»).
Comment l’expliquer ?
1. De la grammaire traditionnelle à la linguistique de l’énonciation
a) Avant 1970 : une conception sémantico-logique de la langue
La langue officielle en France, c’est d’abord le latin. Le français n’est langue officielle qu’en 1539 (édit de Villers-Cotterêts). Au XVII° siècle, la conception de la langue française est aristotélicienne. « On ne peut bien comprendre les différentes sortes de signification qui sont enfermées dans les mots qu’on n’ait compris auparavant ce qui se passe dans nos pensées, puisque les mots n’ont été inventés que pour les faire connaître. » (début de la grammaire de Port-Royal d’Antoine Arnauld et Claude Lancelot). On rend compte des rapports entre langage et pensée de façon logique. Le sens préexiste. L’unité de discours est la proposition, qui est aussi unité de jugement.
A l’école, la grammaire colle au latin, puis à partir de 1920, elle est une mise en forme théorique de l’orthographe grammaticale, alors qu’à l’Université est inventée la linguistique, 1916 : Saussure , 1930 : grammaire distributionnelle, 1955 : grammaire générative (to generate c’est « énumérer explicitement au nom de règles »), grammaire transformationnelle : le structuralisme va être adoptée à l’école.
b) 1970 : la linguistique structurale
Le structuralisme, à qui l’on doit l’analyse en constituants immédiats, en syntagmes nominal et verbal, va régner en maître à l’école aussi. Puis il est remis en cause en son propre sein ; le langage n’est pas seulement une forme, il fait sens.
La grammaire générative fait place à une grammaire de l’énonciation (Benveniste). L’énonciation, c’est l’inscription du sujet dans son propre discours.
c) 1990 : la pragmatique
Tout est discours et celui-ci agit sur le monde (La pragmatique : Austin, Quand dire c’est faire, 1956, trad. française 1970) et prend diverses formes selon ses visées. Le schéma de communication présentait l’émetteur et le récepteur comme des postes neutres, l’énonciation valorise la réception : le message se construit à deux, il a une visée et l’énoncé se construit dans l’usage, dans les genres (sociaux) qui codifient le discours.
Le dialogisme caractérise le langage, « le discours, qui est la langue assumée par l’homme qui parle, dans la condition d’intersubjectivité qui seule rend possible la communication linguistique » (Benveniste, Problèmes de linguistique générale).
La théorie de l’énonciation entre à l’Université dans les années 60, à l’école vers 1990.
2. Les implications de la théorie de l’énonciation dans les programmes
a) La notion d’énonciation fonde l’apprentissage de la langue
C’est dans la langue que tout prend forme mais l’étude des notions linguistiques n’est pas tout. Il faut prendre en compte pour la production et la réception de l’énoncé, oral ou écrit, la situation d’énonciation (qui parle ? A qui ? Quand ? Où ? Pour quoi faire ?) L’enseignement des langues étrangères, qui a connu un renouvellement important, sous l’effet conjugué de l’introduction des méthodes dites « directes » et de considérations linguistiques, influence en France l’enseignement de la langue maternelle. Contrairement à l’enseignement traditionnel, qui privilégiait l’étude de la langue écrite, les méthodes directes, en vogue depuis les années 1960, ont mis l’accent sur la langue orale, sur les situations concrètes de production et de compréhension, et sur la pratique de la langue ; elles ont prôné le recours aux outils audiovisuels, aux logiciels d’enseignement programmé par ordinateur. Quant au choix du contenu à enseigner et à l’élaboration des exercices, ils se sont largement inspirés de considérations linguistiques : connaissances phonétiques, détermination du vocabulaire fondamental et des structures élémentaires de la langue, notion de niveaux de langue, études lexico-stylistiques et pragmatiques, comparaison entre systèmes de langues, apports de la narratologie, etc.
b) types de textes / formes de discours ?
Dans les programmes algériens aussi, l’énonciation a une grande importance, les compétences se répartissent à l’écrit comme à l’oral en réception et production et définissent les outils linguistiques nécessaires à l’expression.
Raconter (situer les événements dans le temps), décrire (nommer, qualifier, localiser), expliquer (analyser un processus et le faire comprendre), argumenter (défendre une position contre d’autres) impliquent la maîtrise des outils linguistiques au service de ces types de textes.
L’énoncé appartient-il à un type pur ? Certes non, mais pour simplifier on a ramené les formes de discours à une typologie des textes à l’école moyenne.
c) Comment évaluer les acquis ?
Ce n’est que dans le réinvestissement de la notion à l’écrit et à l’oral que la compétence peut être évaluée.
Désormais, la séance de langue doit mettre en œuvre la nouvelle didactique des langues. Cela change les pratiques : le professeur prévoit, pour mettre en œuvre les compétences langagières :
• des objectifs (= ce qu’il veut que les élèves apprennent) en rapport avec ces compétences :
objectifs généraux de la séquence
objectif spécifique de la séance
• des hypothèses sur les opérations mentales que les élèves auront à effectuer
• la tâche que les élèves auront à accomplir
• des difficultés et des facilitations ou des aides
• la finalisation (qui permet aux élèves de savoir pourquoi ils effectuent une tâche, pourquoi ils réalisent un produit ) : les programmes algériens ont mis en avant la notion de projet.
• le dispositif pédagogique, par exemple :
- alternance de phases de travail individuel et de phases de travail collectif
- recherche individuelle
- confrontation par deux : explicitation des choix
- présentation individuelle au groupe classe
- le matériel nécessaire
- la gestion du temps
• une évaluation qui permet au professeur de savoir si ses objectifs ont été atteints, et aux élèves s’ils ont réussi la tâche demandée.
La langue s’apprend par l’échange verbal. Le dialogue en faveur dans la classe de français, se pose en règle dans l’évaluation des enseignants, dans l’inspection.
3. Evaluation et formation des enseignants
Finalités et enjeux de l’inspection
- Pour l’inspecteur :
Au niveau individuel
On inspecte d’abord pour participer à la gestion des carrières,
mais on a aussi et surtout un rôle de formation et de conseils envers l’enseignant,
l’inspection permet des regards croisés sur le professeur (en plus de celui du chef d’établissement)
Au niveau institutionnel
Elle permet :
- d’évaluer en continu la mise en œuvre des programmes et des nouvelles pratiques,
- une circulation des informations sur le système,
- d’évaluer la mise en activité et les acquis des élèves : y a-t-il échange entre les élèves et le professeur et/ou entre les élèves ?
Au niveau des réseaux possibles
Connaître les professeurs pour les solliciter pour des tâches précises, par exemple les futurs formateurs
- Pour le professeur
La visite d’inspection est un moment de tension qui ne peut s’oublier qu’avec l’humanité de l’inspecteur.
C’est aussi le lieu d’une reconnaissance ( l’inspecteur évalue une mise en œuvre raisonnée des textes officiels, il respecte le plus souvent les choix du professeur lorsque celui-ci respecte l’esprit des programmes en innovant.
Mais cette reconnaissance passe aussi par la possibilité d’évolution de carrière, de valorisation, de formation.
Le rôle de l’inspecteur ne se limite pas au contrôle, ni à la visite d’inspection, mais il consiste à former les professeurs, en assumant lui-même cette tâche ou en la déléguant à des professeurs conseillers pédagogiques.
Il forme bien sûr le professeur dans l’entretien qui suit la visite, en lui renvoyant des questions sur sa pratique, mais il le forme aussi et surtout à d’autres moments, dans des stages où sont abordés et discutés tous les aspects didactiques et pédagogiques de l’apprentissage de la langue.
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16 février 2012
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